6 février '25
Indépendant ou faux indépendant?
dans Juridique par David Debin
|
Ces derniers temps, nous sommes de plus en plus souvent confrontés à des employeurs qui enregistrent leur personnel de salle et de cuisine en tant qu'indépendants. Mais peut-on procéder la sorte ? Dans la plupart des cas, il pourrait s'agir d'un statut de faux indépendant.
Un indépendant est une personne physique qui exerce une activité professionnelle en Belgique sans être liée par un contrat de travail ou un statut de fonctionnaire. Cette activité peut être exercée à titre principal ou complémentaire. En principe, toute personne peut exercer une activité indépendante à condition de s'affilier à une caisse d'assurances sociales. Mais cela ne suffit pas. Pour déterminer si une personne est active comme travailleur salarié ou comme indépendant, il convient de vérifier s'il existe une relation d'autorité. Un travailleur salarié travaille sous l'autorité d'un employeur, un travailleur indépendant n'a pas de patron au-dessus de lui.
Quatre critères
La distinction n’est pas toujours aussi évidente. Le client d'un indépendant lui fournit généralement aussi des directives à suivre. Dans la pratique, l'existence ou non d'un rapport d'autorité sera évaluée sur la base de quatre critères.
1. Volonté de travailler comme indépendant
Celle-ci doit être définie dans un contrat qui stipule clairement que les deux parties s'engagent dans une collaboration indépendante. Un document peut donc s'avérer utile, mais ne suffit pas. La collaboration indépendante devra surtout être démontrée par les trois autres critères.
2. Liberté d’organiser le temps de travail
Un travailleur indépendant travaille quand il le souhaite (moment et durée), tandis qu'un travailleur salarié suit les heures de travail de l'entreprise. Un travailleur indépendant peut donc répartir lui-même son temps de travail et décider quand il fait quoi, généralement dans un certain délai convenu avec le client.
3. Liberté d’organiser le travail
Un indépendant est libre d'organiser son travail comme il l'entend. Le client peut certes lui donner des lignes directrices, mais pas d'ordres. Le travailleur indépendant prend également lui-même en charge son matériel et ses frais de transport.
4. Contrôle hiérarchique
Le travailleur indépendant n'est pas contrôlé par son client. Il est son propre patron. Il ne peut donc pas être question de demandes de congés, de justification des absences, d'évaluations...
D'autres facteurs peuvent encore entrer en ligne de compte dans l'évaluation. Si la rémunération mensuelle est (plus ou moins) fixe, si l'indépendant n'a pas d'autres clients, s'il ne supporte aucun risque financier, il s'agit là de signes montrant que votre collaborateur est un travailleur salarié plutôt qu'un travailleur indépendant.
Exemple
Un traiteur doit fournir 300 desserts d'ici le week-end prochain. Il externalise cette tâche auprès d'un indépendant avec lequel il collabore régulièrement. Celui-ci dispose de son propre atelier et peut décider d'accepter ou non la commande et déterminer lui-même la façon dont il l'exécute. S'y mettra-t-il immédiatement ou seulement demain ? Prendra-t-il 2 heures ou une journée entière ? S'en chargera-t-il lui-même en cuisine, engagera-t-il du personnel ou fera-t-il appel à un sous-traitant ? Dans ce cas, il n'y a aucune raison de remettre le statut d'indépendant en cause.
En revanche, lorsqu'il est question d'un cuisinier fixe dans un restaurant qui prépare des plats de la carte de l'établissement en utilisant le matériel de l'établissement, avec l'équipe mise à sa disposition par l'employeur pendant les heures d'ouverture de l'établissement, il s'agira dans 9 cas sur 10 d'un travailleur salarié occupé par erreur sous le statut d'indépendant, ou de ce qu'on appelle un « faux indépendant ».
Faux indépendants
Le statut de faux indépendant est une forme de fraude sociale lourdement sanctionnée. L'Office national de sécurité sociale effectue des contrôles réguliers concernant les faux indépendants et peut requalifier un indépendant en travailleur salarié. Il est dans ce cas présumé qu'il existe un contrat de travail déguisé entre les deux parties.
Les conséquences ne sont pas à sous-estimer : l'employeur devra payer des arriérés de cotisations de sécurité sociale et de précompte professionnel, et ce jusqu'à 3 ans, voire 7 ans en cas de fraude. À cela s'ajoutent intérêts de retard et amendes éventuelles. Il devra en outre payer à l'indépendant des arriérés de pécule de vacances et de prime de fin d'année, une intervention dans les frais de transport, une éventuelle indemnité vestimentaire et même un complément de salaire si la rémunération versée était inférieure au barème.
Commission Relations de travail
Réfléchissez-y donc à deux fois avant de faire travailler pour vous un collaborateur sous statut d'indépendant. Si vous souhaitez obtenir des certitudes sur une situation concrète, vous pouvez la soumettre à la Commission administrative de règlement de la relation de travail. Elle évaluera si la personne doit être occupée comme travailleur salarié ou comme indépendant, en rendant soit un avis non contraignant, soit un ruling contraignant.