16 mai '22
Peut-on interdire les symboles religieux au travail?
dans Juridique par Magali François
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L'interdiction des signes philosophiques - en pratique, il s'agit généralement du foulard - au travail reste une question extrêmement délicate. Le principe de neutralité s'applique aux fonctionnaires, mais même là, il est régulièrement critiqué. Il est possible de l'invoquer en tant qu'employeur du secteur privé, mais il faut être prudent. Différents droits fondamentaux sont constamment en conflit les uns avec les autres, et les tribunaux et les autorités ne parviennent pas non plus à se mettre d'accord sur ces droits pour le moment.
Un employeur peut-il obliger une salariée à retirer son foulard au travail et aller jusqu'à la licencier si elle ne veut pas le faire ? Un employeur peut-il inclure dans son règlement de travail une interdiction générale de porter des signes visibles de convictions religieuses, politiques ou philosophiques sur le lieu de travail ?
Dans le passé, les tribunaux du travail belges ont souvent adopté une approche légèrement plus indulgente que la Cour de cassation ou la Cour européenne de justice. Elles ont elles aussi confirmé à plusieurs reprises que la politique de neutralité d'un employeur peut constituer un objectif légitime. Du moins si un certain nombre de conditions supplémentaires sont réunies.
Tout d'abord, il doit y avoir un "besoin réel" de la part de l'employeur. Il peut s'agir d'une neutralité "externe" (vis-à-vis des clients) et "interne" (pour éviter les conflits entre les membres du personnel). L'exigence de neutralité doit être équilibrée par les attentes légitimes des clients. L'employeur devra également être en mesure de démontrer que son entreprise serait lésée sans une politique de neutralité.
Parce qu'une telle politique de neutralité peut restreindre les droits fondamentaux d'un travailleur, elle ne devrait pas aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire. Par exemple, une politique de neutralité à l'égard des clients peut difficilement justifier l'imposition d'une telle interdiction aux salariés qui ne sont pas en contact avec les clients.
Une politique de neutralité ne doit pas, bien sûr, être discriminatoire. Cela signifie que toutes les convictions religieuses, politiques et philosophiques doivent être traitées de manière égale. En d'autres termes, quiconque interdit le foulard ne devrait pas autoriser le port du signe de croix ou de la kippa. Nous parlons de "discrimination directe" dans ce cas.
Récemment, la Cour européenne a également ajouté la "discrimination indirecte". Cela signifie, par exemple, que chaque signe, aussi petit soit-il, doit être traité de la même manière et que, par conséquent, les grands signes ostensibles (les foulards) ne sont pas les seuls à pouvoir être interdits. Interdire uniquement le port du foulard pourrait également constituer une discrimination indirecte fondée sur le sexe. Dans des cas exceptionnels, il peut néanmoins être nécessaire de faire une distinction, par exemple lorsque le port du foulard peut présenter un danger lors de l'utilisation de certaines machines.
Enfin, en cas de première infraction ou remarque, on ne peut jamais procéder immédiatement au licenciement. Il est utile que l'employeur puisse montrer qu'il a d'abord cherché d'autres solutions, comme une mutation dans un autre service. Optez également pour un ou plusieurs avertissements et éventuellement une suspension.